Le bien-être animal comme levier de la transition agricole et alimentaire
Découvrez la position de QUATRE PATTES
Paris, le 10 décembre 2024 - En cette fin d’année, l’actualité parlementaire autour des textes agricoles est particulièrement riche. Deux stratégies attendues prochainement vont venir éclairer les orientations politiques de la France en la matière durant les cinq prochaines années.
- La troisième mouture de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC-3), la feuille de route de la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES), est en ce moment-même mise en consultation.
- La Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC), la feuille de route pour orienter les politiques alimentaires de la France, attendue depuis le premier semestre 2024, a fuité dans la presse le 22 novembre, dans une version inaboutie datée d’avril.
QUATRE PATTES formule ses recommandations en vue de l’adoption prochaine de la SNBC-3 et de la SNANC, avec le respect du bien-être animal comme fil conducteur. Celui-ci n’est pas un frein, mais au contraire une solution pour s’attaquer aux causes profondes du malaise agricole et assurer la souveraineté alimentaire de la France ! Les manifestations agricoles, qui révèlent les difficultés auxquelles est confronté ce secteur, sont en effet un signe de la nécessité de sortir du statu quo.
Stratégie nationale bas-carbone : Agir pour une évolution des modes de production vers des systèmes agroécologiques et respectueux du bien-être animal
La SNBC-3 vise à atteindre une réduction de 50 % des émissions de GES brutes d’ici 2030 par rapport à 1990 (un objectif qui a été révisé par rapport à la précédente mouture pour s’aligner avec ceux européens) et la neutralité carbone en 2050. Ainsi, la SNBC-3 doit permettre de fixer un cap pour l’agriculture et de clarifier les objectifs nationaux, comme demandé par 86 % des agriculteurs et agricultrices1. Toutefois, QUATRE PATTES constate des incohérences qui risquent de compromettre l’efficacité de cette stratégie.
Si QUATRE PATTES salue l’existence d’hypothèses de réduction du cheptel, et reconnaît que celles-ci ont le mérite de ne pas se limiter aux bovins, nous considérons que la SNBC-3 doit impérativement aller plus loin dans son ambition. En effet, les hypothèses de la SNBC-3 s’appuient uniquement sur les baisses déjà existantes du nombre d’animaux liées principalement aux difficultés économiques du secteur. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, QUATRE PATTES demande aux pouvoirs publics de planifier une réduction plus ambitieuse du cheptel, en cohérence avec les objectifs environnementaux et de bien-être animal. Celle-ci doit inclure la réduction du nombre de volailles élevées en système intensif, alors que les hypothèses mises en consultation prévoient que ce nombre reste stable.
Par ailleurs, QUATRE PATTES encourage la SNBC-3 à pleinement intégrer l’élevage extensif, non seulement par la diminution du nombre total d’animaux élevés en France, mais aussi en réduisant le nombre d’animaux élevé par surface agricole. Ceci apporterait de nombreux bénéfices en termes de protection du bien-être animal, préservation de la biodiversité et des sols, stockage du carbone et résilience des écosystèmes. De plus, nous considérons qu’il est risqué et contradictoire de faire reposer les hypothèses de réduction des émissions de GES agricoles sur des solutions techniques (alimentation animale, génétique, méthanisation…). Celles-ci présentent de nombreuses incertitudes scientifiques et peuvent aggraver la dépendance au système d’élevage industriel.
Le bien-être animal devrait être explicitement inclut comme un levier pour réaliser la transition. Pour que celle-ci soit juste et effective, les subventions publiques, notamment celles de la Politique Agricole Commune, devraient être orientés vers les modèles plus vertueux. Les orientations de la SNBC-3 devraient également être traduites de manière contraignante dans les réglementations et politiques en matière agricole, comme le futur projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture. Il conviendrait enfin d’éliminer toute référence au plan gouvernemental de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage, qui s’oppose à la réduction de la taille du cheptel et réduit les recours possibles face à l’installation de nouveaux élevages intensifs (décret n° 2024-529 du 10 juin 2024).
Concertation nationale sur l’énergie et le climat
Le point de vue de QUATRE PATTES sur les documents de planification énergie climat soumis à la concertation
Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat : Accompagner l’évolution des régimes alimentaires vers le moins et mieux de produits d’origine animale
La transition du modèle agricole que QUATRE PATTES appelle de ses vœux requiert une transformation des habitudes alimentaires. La réduction de la consommation de produits d’origine animale est une condition sine qua non à la réduction du nombre d’animaux élevés dans les élevages industriels, afin d’éviter de consommer des viandes importées.
Dans sa version de travail, la SNANC prévoit un objectif de réduction de la consommation de produits d’origine animale, lequel serait en cours d’arbitrage par les ministères. Il est essentiel qu’il soit maintenu ! Avec 30 % de la viande consommée en France importée (dont plus de 50 % de la viande de poulet et de la viande ovine) et des productions animales largement dépendantes des importations d’intrants, la réduction de la consommation de produits d’origine animale ne devrait pas être un tabou. Au contraire, celle-ci devrait être considéré comme l’un des leviers de protection de notre souveraineté alimentaire et de réduction de l’empreinte environnementale du secteur agricole.
La SNANC a le potentiel d’accompagner au mieux cette transition de régime alimentaire. La version de travail offre des solutions concrètes aux consommateurs comme au monde agricole, que ce soit en veillant à un partage plus équitable de la valeur ou en régulant davantage la grande distribution, les industries agroalimentaires et la restauration commerciale.
QUATRE PATTES demande la mise en consultation de la SNANC dans les plus brefs délais. Nous recommandons de :
- Fixer un cap clair pour l’évolution des régimes alimentaires. Le Haut Conseil pour le Climat recommande une baisse d’au moins 30 % de la consommation de produits d'origine animale à horizon 2050. Par ailleurs, QUATRE PATTES a estimé que pour se conformer avec les recommandations du Planetary Health Diet de la commission Eat-Lancet, la consommation de viande en France devrait réduire de 74 %.
- Revoir les recommandations nutritionnelles du Programme National Nutrition Santé pour intégrer les enjeux environnementaux et de bien-être animal.
- Renforcer le soutien à la restauration collective et aux projets alimentaires territoriaux pour augmenter la part des produits durables et de qualité ainsi que des alternatives végétales, tout en fournissant des débouchés rémunérateurs aux agriculteurs et agricultrices en France.
- Programmer des mesures contraignantes pour améliorer l’offre et les environnements alimentaires, notamment par l’adoption de normes pour réguler le secteur économique (grande et moyenne distribution, restauration hors domicile...) ainsi que les offres publicitaires et marketing.
- Imposer la transparence sur les marges des industries agroalimentaires et des distributeurs. Ceci permettrait de veiller à une meilleure rémunération des agriculteurs et agricultrices. Cela éviterait également les surmarges sur les produits labellisés, contribuant à les rendre plus accessibles pour les consommateurs.
- Limiter les importations et promouvoir la consommation de produits durables, de qualité et respectueux du bien-être animal. QUATRE PATTES considère que les accords de libre-échange ne devraient être adoptés que si des mesures imposent réciproquement les mêmes normes sanitaires, sociales, environnementales et de bien-être animal sur les biens échangés entre eux (clause miroir).
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