SYRIE : SEPT HEURES POUR VENIR EN AIDE AUX ANIMAUX !
Notre équipe d’intervention s’est rendu à Jindires, au Nord-Ouest de la Syrie, où les habitants sont dans une situation critique suite aux tremblements de terre
Traverser la frontière entre la Turquie et la Syrie pour apporter de l'aide aux animaux relève du parcours du combattant administrativement et logistiquement. L'équipe d’Intervention Rapide de QUATRE PATTES a néanmoins réussi à obtenir une entrée unique en Syrie pendant sept heures pour livrer 20 tonnes d'aliments pour animaux de ferme et 3,6 tonnes d'aliments pour chiens et chats à la ville de Jindires.
Notre voyage commence tôt le matin avec un trajet de 200 km depuis Gaziantep, en Turquie, jusqu'à la frontière syrienne. Nous avons prévu de transférer deux cargaisons (l'une d'aliments pour le bétail, l'autre d'aliments pour chiens et chats) dans un seul camion.
Tout s'est déroulé comme prévu, à notre arrivée à la frontière, les autorités ont vérifié et approuvé nos passeports. Notre passage a été sécurisé. Les aliments pour animaux de ferme ont été chargés dans notre camion et nous sommes presque prêts. Cependant, nous restons dans l’attente du camion transportant notre cargaison d'aliments pour chiens et chats. Avec le temps précieux qui s'écoule, nous craignons de devoir tout abandonner derrière nous. Mais au dernier moment, le voilà enfin !
Sans perdre une minute, l'équipe se met en action, lançant près de 300 sacs de 15 kg d'aliments secs sur la plate-forme du camion, chargeant ainsi 3,5 tonnes de nourriture sur le semi-remorque en un temps record. Notre équipe mets tous ses efforts en action pour rattraper le temps perdu : nous sommes pratiquement à bout de souffle. Mais alors que le camion, désormais chargé, se dirige vers le contrôle frontalier, nous savons que le plus dur reste à venir.
Un paysage de dévastation
Rien ne peut vous préparer à vous rendre à Jindires, pas même deux semaines de travail dans des zones sinistrées dans le pays voisin. En Turquie, il y a de l'aide, des ONGs et le sentiment que, même si l’aide tarde à venir, les gens avancent et reconstruisent leur environnement. En Syrie, la situation nous donne l’impression que le tremblement de terre a eu lieu hier. La ville ressemble à une zone de guerre, avec des décombres qui recouvrent les trottoirs, et souvent aussi les rues. Des pierres et des métaux tranchants menacent de vous blesser à chaque instant si vous ne faites pas attention où vous mettez les pieds. Les vestiges des bâtiments les plus endommagés n'ont pas encore été démolis et sont suspendus au-dessus de nos têtes comme une menace constante.
Une triste image nous reste en tête, celle d'un chien sur le trottoir, mort depuis plusieurs jours et toujours là. Cela met en lumière le manque de ressources et de soutien ici.
Pour des raisons de sécurité, notre camion est détourné loin des zones urbaines, pour distribuer de la nourriture. Pendant ce temps, le reste de l'équipe se rend auprès de la population locale où les animaux de ferme ont besoin de notre aide. Le Dr Khalil, responsable de la mission, distribue des médicaments et des conseils médicaux. Nous partageons avec eux notre plan consistant à leur faire parvenir plus de nourriture pour les animaux, et les soulager au mieux de ce poids.
L’homme-chat d'Alep
Nous avons ensuite rendez-vous sur un parking bruyant où un groupe d'hommes tente de réparer le moteur d'un vieux camion. Nous y rencontrons le défenseur des animaux Mohammad Alaa, le célèbre homme-chat d'Alep. Il a conduit son ambulance pour animaux jusqu'ici pour rencontrer le Dr Khalil en personne. Une fois les premières politesses passées, il sort un patient de son véhicule : un petit chien rescapé du tremblement de terre, qui présente des signes évidents de détresse et d'agressivité. La raison est rapidement identifiée : une attelle en bois soutient une de ses pattes arrière d'où dépasse un os. Il parait évident que le chien a besoin de soins plus appropriés que ceux que nous pouvons prodigués sur ce parking poussiéreux au bord de la route. Le Dr Khalil décide alors d’essayer de ramener le chien de l'autre côté de la frontière, à la clinique PanVet de Gaziantep.
Nous rejoignons l'emplacement de notre camion pour nous assurer que la distribution se déroule comme prévu. Mais le soleil a commencé à se coucher et, comme les dernières lueurs du jour brûlent rapidement, il nous reste très peu de temps pour retourner au poste-frontalier avant la tombée de la nuit, et que les frontières se ferment jusqu'au lendemain. Pendant les 45 minutes du trajet retour, notre chauffeur s'empresse de nous ramener, se faufilant entre les voitures et les motos et entrant et sortant d'innombrables postes de contrôle armés, avec une précision chirurgicale.
Nous arrivons juste à temps et le Dr Khalil parvient à faire passer sans effort le chien blessé au poste frontière. Après une journée mouvementée, nous rentrons sains et saufs sur le sol turc à la tombée de la nuit.
Un sentiment palpable de traumatisme et de perte
Nous sommes épuisés. Nous avons besoin d'un verre d'eau, voire d'un café, avant le long voyage de retour vers Gaziantep. Cependant, sur le long de notre route, aucun magasin ne semble plus être ouvert. À côté de ce qui semble être une station-service abandonnée, nous trouvons un groupe qui s'abrite dans un petit conteneur. Nous leur demandons s'ils savent où nous pouvons trouver du café et, sans hésiter, ils nous invitent à les rejoindre chez eux pour nous offrir le peu qu'ils ont. Tandis que quelques enfants et jeunes femmes nous regardent dans un coin, l'homme nous raconte comment son village a été complètement rasé, comment il a perdu sa femme et sa fille, et comment ce petit groupe est maintenant tout ce qui lui reste au monde. Pendant que l'homme raconte son histoire, nous remarquons que l'une des jeunes filles fixe le sol, le traumatisme étant évident dans son regard vide. Ce geste d'hospitalité, cette histoire et le regard de cette jeune fille nous heurte.
Notre équipe de quatre personnes traverse la nuit en silence, dans une voiture chargée à ras bord de matériel vétérinaire, de casques, d'appareils photo, de sacs à dos et d'une seule caisse contenant un petit chien dont la vie a été sauvée et qui sera probablement bientôt sur la voie de la guérison. Nous pensons que dans moins de 12 heures, nous serons de retour à Vienne. Nous sommes fières de toute l'équipe de QUATRE PATTES et de la petite différence que nous avons réussi à faire ici.
QUATRE PATTES a terminé sa mission d'intervention en Turquie et en Syrie. Nous continuerons à fournir des soins et de la nourriture aux animaux en collaboration avec des organisations partenaires dans ces pays.